Medium change le mode de rémunération des auteurs

Retour les causes de ce changement et ses conséquences possibles.

Thomas Dimnet
9 min readJul 25, 2023
Un coffre à trésor en pixel art
source : auteur

Le jeudi 20 juillet, j’ai reçu un e-mail de Medium m’informant d’un changement dans le mode de rémunération des auteurs — un aspect peu connu de la plupart des utilisateurs. Pour beaucoup, Medium est un peu comme Stack Overflow, un site Internet où on trouve des tutoriels plus ou moins complets. Par exemple, si vous souhaitez configurer Tailwind pour React ou déployer une API Rest sur Heroku, Medium est là pour vous aider. Cela dit, Medium est bien plus que ça.

Si le site s’est fait connaître avec des tutos en rapport avec le développement informatique, notamment côté web, on trouve sur Medium beaucoup d’autres thématiques, telles que le développement personnel, la psychologie, le management, etc. Malheureusement, au cours des dernières années, Medium s’est petit à petit transformé en un gigantesque « Click bait ». Le site est gangrené d’articles aux titres racoleurs tels que « Comment j’ai vendu ma startup 800k en 6 mois » ou « Les 6 qualités indispensables pour un bon développeur ». Si ces articles peuvent être utiles, il y en a aujourd’hui clairement trop sur la plateforme.

Les changements de Medium dans la politique de rémunération des auteurs souhaitent limiter ce type de contenu, ce qui, je pense, est une excellente chose, tant pour les lecteurs que les auteurs. C’est d’ailleurs ce qui m’a motivé à écrire cet article. Je me suis rendu compte au fil des années que Medium est assez peu connu/compris notamment par nous, les francophones. Cet article a non seulement pour objectif de vous présenter un peu les conditions de rémunération de Médium (les anciennes comme les nouvelles) mais aussi les impacts de ces conditions sur les articles présents sur la plateforme.

Quels metrics regarde-t-on quand on publie sur Medium ?

Des rouages en pixel art
Source : auteur

J’aime Medium non seulement en tant que lecteur mais aussi en tant qu’auteur, même si je ne me considère pas être un « power user » de Medium. Autrement dit, je ne passe pas ma journée dessus à lire et/ou écrire des articles. Je vais plutôt dessus une fois par semaine pour faire ma veille et découvrir des contenus originaux (comprendre : qui ne sont pas sur d’autres plateformes). De la même manière, côté auteur, je n’ai pas un énorme nombre d’abonnés ( l’heure où j’écris ces lignes, j’en ai 132). C’est honnête sans être particulièrement impressionnant. Par contre, j’ai tendance à avoir des bons ratios de lecture, ce qui est, pour moi, l’un des indicateurs clés à suivre.

Si vous n’avez jamais publié sur Medium et/ou que vous ne vous êtes jamais intéressé à son business model, il est important que je vous donne quelques explications. Quand on publie un article sur Medium, on regarde souvent plusieurs statistiques clés :

  • Le nombre de vues — comme son nom l’indique, il s’agit du nombre de fois que votre article a été vu. Cela comprend les utilisateurs internes (les personnes ayant un compte) et externes. Une vue ne veut pas dire qu’un utilisateur a ouvert votre article. Cela veut simplement dire qu’il l’a vu apparaître sur Medium.
  • Le nombre de lectures — c’est une metric que je ne comprends pas totalement. Dans les faits, c’est le nombre de fois où votre article a été lu. Cela dit, j’ai parfois dû mal à comprendre comment elle est calculée. Il semblerait qu’il y ait aussi un biais entre utilisateurs internes et externes.
  • Le ratio entre vues et lectures — c’est le pourcentage de lecture de vos articles. Ça ressemble assez au taux de rebond côté SEO. Ici, on est vraiment sur la « pertinence » du contenu. Autrement dit, quand un utilisateur tombe sur votre article, est-ce qu’il le lit (contenu pertinent) ou est-ce qu’il le survole et/ou le quitte immédiatement.
  • Les intéractions. Il en existe plusieurs mais pour faire simple, ici, on parle de comment les utilisateurs réagissent avec votre contenu. Est-ce qu’ils le likent (clap), le commentent, le mettent en favoris ou décident de s’abonner à votre profil.

Certains auteurs poussent les lecteurs à réagir, en leur demandant par exemple de liker leur article. D’autres non. Il n’y a pas forcément de règles ici. Cela dépend de l’audience et du type d’audience visé.

Quoi qu’il en soit, je trouve que l’expérience utilisateur, tant en tant que lecteur qu’auteur est vraiment bien. Côté lecteur, le confort de lecture est agréable (même si l’application iPad devrait être un peu repensée). Côté auteur, Medium fonctionne très bien côté SEO et l’éditeur va droit à l’essentiel. J’aurais du mal à revenir sur un blog perso tournant sur mon site web. Côté abonnement enfin, je paye 50$ par an et je trouve que ça les vaut totalement. C’est devenu un peu comme Spotify. Je ne me pose pas de questions et je paye mon tribut tous les ans.

Cela dit, ce n’est pas parce que j’aime bien Medium que je ne vois pas ses défauts. Pour les comprendre, il faut zoomer un peu sur le modèle de rémunération de la plateforme.

Pourquoi le modèle de rémunération actuel était mauvais ?

Des billets de banque en pixel art
Source : auteur

Le mode de rémunération des auteurs était initialement basé sur le temps de lecture. Autrement dit, plus votre article était regardé, plus votre rémunération était élevée. L’autre point influant sur la rémunération était le type d’utilisateur. Sur Medium, il y a trois grands types de lecteur : l’anonyme, c’est à dire que l’utilisateur n’est pas loggé sur la plateforme, l’utilisateur loggé et le membre Premium (autrement dit, celui qui paye un abonnement). Quand j’ai regardé les statistiques de mes articles, il semble que le type de membre était un facteur assez important dans le calcul de la rémunération. Si votre article est lu par un membre inscrit, vous touchez plus. Il semblerait que ce critère va rester assez important selon les nouvelles règles.

Bâtir une communauté est au centre du mode de rémunération. Plus votre communauté est grande, plus votre article est lu et plus vous remontez dans les algorithmes de recommandations. Ce qui est totalement normal. Au centre de la création de communauté se trouvent les publications. Pour rappel, une publication Medium est une page publiant du contenu et regroupant un ou plusieurs auteurs. Parmi les publications connues dans le monde de la programmation, on peut citer Better Programming ou AWS In Plain English.

Pour votre information, ce sont souvent de véritables entreprises qui sont à l’œuvre derrière ces publications. La plupart de ces entreprises sont basées en Inde. Il serait intéressant de voir les statistiques mais l’Inde se situe probablement juste après les Etat Unis en termes d’utilisateurs.

L’idée de passer par une de ces publications est d’utiliser sa base d’utilisateurs pour gagner en audience. Puis une fois que votre audience a suffisamment grandi, vous créez votre propre publication. Le mode de fonctionnement classique d’un auteur est donc :

  1. Je crée mon compte et j’écris mes premiers articles.
  2. Je demande d’être rattaché à une publication.
  3. Je gagne au moins 100 abonnés.
  4. Je passe sur le programme Pattern qui me permet d’être rémunéré.
  5. Je continue à publier sur cette publication et/ou je crée la mienne une fois que j’ai construit mon audience.

Ce qui est assez dingue, c’est qu’en lisant le mail de Medium, je me suis aperçu que certains auteurs n’étaient même pas des membres Premium. De mon point de vue, ils étaient juste là pour publier du contenu « Click Bait ».

En tout cas, ces publications et ces auteurs gagnaient sur tous les tableaux. Leurs objectifs étaient de publier en continue du contenu. Ce dernier étant forcément visible à un moment. Puisqu’une partie de la rémunération était au clic, de nombreux articles se dotaient de titres bien racoleurs. Et je n’ai pas encore parlé d’IA ici. Nombre de ces articles peuvent être écrits tout ou en partie via une IA. Des services tels que byword.ia se sont spécialisés dans la rédaction d’articles SEO.

D’où ce fameux changement de mode de rémunération.

Un nouveau modèle visant à augmenter la qualité des contenus

Un pouce en pixel art
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Le nouveau modèle de rémunération vise justement à ces contenus un peu « Click bait ». C’est quelque chose qui est dit explicitement dans l’article qui a été publié suite à l’e-mail.

We don’t want to incentivize attention-grabbing clickbait, formulaic derivative or AI-generated writing, misinformation, hate, and other forms of polarizing negativity.

source : https://blog.medium.com/new-partner-program-incentives-focus-on-high-quality-human-writing-7335f8557f6e

L’équipe de Médium a conscience que ce problème risque de leur faire perdre des utilisateurs. Des personnes, comme moi, qui viennent sur Medium pour lire et écrire des contenus originaux. Ce sont des contenus qui prennent du temps à écrire. Si je prends l’exemple de cet article, il m’a pris entre 6 et 8 heures à réaliser. J’ai pris du plaisir à l’écrire mais c’est du temps que je n’ai pas passé à faire autre chose.

Le nouveau mode de rémunération va donc se passer sur trois indicateurs principaux :

  • Le temps de lecture. Juste que là, tout est normal.
  • Le « read ratio ». C’est le fameux taux de rebonds dont je parlais tout à l’ heure. Il signifie que Medium remet en avant les articles longs qui prennent du temps à lire (et qui sont pertinents).
  • Les intéractions telles que les claps, les réponses, etc. Je ne suis pas totalement fan de celui-là. Certains auteurs et certaines publications font pousser à l’interaction et demander des claps. On verra comment Medium s’en sort avec ça.

Medium a aussi commencé à mettre en avant les personnes ayant publié un livre. Je ne parle pas ici des e-books mais des « vrais » livres ayant un numéro ISBN. C’est quelque chose qui va selon moi beaucoup jouer sur les algorithmes de recommandation. J’espère que ça ne va pas trop pénaliser ceux qui n’ont pas (encore) publié de livres.

L’autre élément important est l’autorisation à la rémunération. J’en parlais un peu plus haut mais actuellement il est basé sur le nombre d’abonnés. SI vous en avez plus de 100, alors vous pouvez faire une demande auprès de Médium. D’après leur article, Médium précise qu’ils vont être maintenant plus regardant sur les personnes sélectionnées. Concernant mon cas, je n’ai pas encore de retour dessus. Si la situation évolue, je prendrai le temps d’en reparler.

Ce qui est sûre, c’est que ces nouveautés vont dans le bon sens de la plateforme. Médium va être un peu plus « sélect » mais les utilisateurs, et notamment ceux qui payent, devrait en avoir un peu plus pour leur argent. Il est possible que les auteurs et publications en question trouvent une faille au système. Il est aussi possible que ce nouveau système génère des effets pervers. Mais à vrai dire, on ne sait jamais vraiment. On verra comment les choses évoluent.

Des courbes de marché boursier en pixel art
Source : auteur

En tout cas, je me pose clairement la question de monétiser mes articles. Quand on y pense, peut-être que je ferais du bien à la plateforme en le faisant. Je ne suis pas sûr de dégager énormément de bénéfices de cette opération mais si elle va dans le sens de rendre Medium meilleur. C’est majoritairement la partie taxe qui me fait hésiter.

Medium est une entreprise américaine et facture depuis les Etats-Unis. Il va donc y avoir des démarches administratives complémentaires à faire. Je parle ici de déclarations douanières. En tout cas, c’est ce que j’imagine. Peut-être que je me trompe.

J’ai hâte de voir ce que vont donner ces prochains mois :).

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