Comment reconnaître une crise économique ?

La crise économique est là : il est urgent de ralentir

Thomas Dimnet
11 min readSep 22, 2023
Un sans-abri, pixel art
Un sans-abri — source : DALL-E

Depuis quelques mois, j’échange régulièrement avec les commerçants de mon quartier. J’habite dans le 20ème arrondissement de Paris, près de Gambetta. Quand je discute avec eux, nombre d’entre eux me confient être dans des situations financières précaires. Beaucoup ne savent pas combien de temps ils vont pouvoir tenir. Ces discussions m’ont fait prendre conscience de la gravité de la situation économique actuelle.

Ce qui m’a ouvert les yeux s’est passé il y a quelques jours. En allant chercher un ami à l’hôpital Saint Louis, j’ai pu voir de nombreux commerces fermés. Je ne parle pas ici d’un type de commerce en particulier. Je parle ici de boulangeries, d’épiceries, de restaurants, d’agences immobilières, d’agences de voyage, de coiffeurs, etc. Il ne s’agit là que de la face visible de l’iceberg. En effet, tout porte à croire que nous sommes au début d’une crise économique majeure. Pourtant, face à cette réalité alarmante, les médias traditionnels restent étrangement silencieux. C’est ce qui m’a poussé à écrire sur ce sujet.

Dans cet article, je vais prendre le temps de revenir sur le concept de crise économique et détailler les signes précurseurs d’une crise économique et les comparer au contexte économique actuel. En dehors des chiffres et des hypothèses, c’est avant tout d’hommes et de femmes, comme vous et moi, dont on parle.

Reconnaître une crise économique

Un professeur devant son tableau, pixel art
Un professeur devant son tableau — source : DALL-E

On définit une crise économique comme une période de déclin de la santé économique d’un pays ou d’une région. Souvent imprévue, elle surprend les acteurs économiques. Pensez à la crise des subprimes : les banques n’avaient pas anticipé le niveau de risque et furent prises au dépourvu.

D’où la question centrale, comment reconnaît-on qu’une crise économique est sur le point d’avoir lieu ? Quels sont les signes ?

Les entreprises licencient

L’augmentation du taux de chômage est souvent l’un des signes les plus manifestes d’une crise économique. En effet, quand les entreprises rencontrent des difficultés, elles vont le plus souvent réduire leurs coûts en licenciant leurs salariés. Ces difficultés peuvent être liées au fameux carnet de commandes et/ou à des problèmes de liquidités. Dans le cadre d’entreprises cotées en bourse, les difficultés seront plutôt liées à la confiance des investisseurs.

Une augmentation du chômage peut amplifier les effets négatifs d’une crise économique. De manière générale, les licenciements vont entraîner une baisse de la consommation entraînant à son tour de nouvelles réductions d’emplois.

Les faillites d’entreprises se multiplient

La faillite d’entreprises, et notamment des TPE/PME, est un indicateur particulièrement frappant d’une crise économique. Ces entreprises sont souvent considérées comme le cœur de l’économie d’un pays. Elles ont tendance à être beaucoup plus vulnérables que les grandes entreprises aux chocs économiques. Les commerces (coiffeurs, restaurants, boutiques) jouent un rôle crucial dans l’économie locale.

De la même manière, les startups, dont on a beaucoup parlé ces 10 dernières années, ne sont pas à l’abri des turbulences économiques. Nombreuses sont celles qui fonctionnent via des financements extérieurs (subventions, investisseurs privés et VC).

Une réduction drastique des financements a pour effet de mettre en péril la survie de nombreuses startups. Spoiler alerte : de nombreuses startups ont ou sont en train de fermer — j’y reviendrais dans la section sur le contexte économique actuel.

L’accès au crédit est plus compliqué

Selon les lois économiques traditionnelles, l’accès au crédit est un pilier central du fonctionnement économique moderne. Il stimule la consommation et l’investissement. En période de crise économique, les banques deviennent plus frileuses à prêter.

En France, quand on parle d’accès au crédit pour les particuliers, on pense souvent à l’achat d’un appartement ou d’une maison. Un accès au crédit restreint entraîne une diminution des achats immobiliers qui entraîne à son tour une baisse des prix de l’immobilier. C’est d’autant plus vrai s’il y a une bulle spéculative sur les prix de l’immobilier (comme c’est le cas en région parisienne depuis plusieurs années).

L’inflation devient galopante

Parlons maintenant un peu d’inflation. On définit généralement l’inflation comme la hausse générale et continue des prix. Quand elle est à des niveaux modérés (comprendre : peu élevée), on dit souvent qu’elle encourage à la dépense (la fameuse croissance) et à l’investissement. Cela dit, quand l’inflation est élevée, elle fragilise les acteurs économiques et notamment les ménages. Tout coûte plus cher. Les raisons de l’inflation peuvent être diverses (on y reviendra).

On dit qu’une inflation est généralisée quand l’augmentation des prix touche un large éventail de biens et de services. Elle n’est pas concentrée dans un secteur ou dans une catégorie spécifique. Quand une inflation est généralisée, elle touche des domaines clés comme l’énergie, les matières premières et l’alimentation.

Le nombre de sans-abris est en hausse.

En plus des signes purement économiques, une crise économique peut se reconnaître par des aspects plus sociaux. Je parle ici d’une augmentation du taux de pauvreté, des inégalités ainsi que des tensions sociales. L’augmentation de la pauvreté se traduit le plus souvent par une hausse des sans-abris et des individus fouillant les poubelles.

Ce sont des indicateurs plus difficiles à mesurer. Cela dit, ils sont directement visibles par une grande partie de la population (à condition de ne pas avoir les yeux sur son smartphone). La hausse des inégalités a souvent d’importants effets sur la santé mentale des individus.

Il existe bien sûr d’autres signes attestant d’une crise économique à venir. On peut, par exemple, citer une baisse du PIB, les difficultés sur les marchés financiers, etc. Si le sujet vous intéresse, je vous invite à regarder les ressources suivantes :

Le contexte économique actuelle

Quelqu’un tenant un carton dans une ville, pixel art
Quelqu’un tenant un carton dans une ville — source : DALL-E

Maintenant que nous avons exploré les signaux avant-coureurs d’une crise économique, intéressons-nous au contexte économique actuel. Ici, je pense qu’ill est important de vous signaler mes propres biais en raison de ma situation sociale et économique : je réside à Paris et travaille dans le milieu des nouvelles technologies.

Les entreprises de la tech licencient massivement et/ou ferment

Et justement, on va commencer à parler du milieu des nouvelles technologies. Depuis fin 2022 / début 2023, de nombreuses entreprises “de la tech” licencient. On peut citer Google, Amazon, Microsoft et Meta. Je vous invite à consulter cet article de TechCrunch pour en savoir d’avantage. Certains experts pensent que ces licenciements sont une correction des fortes embauches ayant eu lieu pendant et après le COVID. C’est peut-être le cas. Une des autres possibilités est l’éclatement d’une bulle sur les entreprises des nouvelles technologies.

Pour rappel, on appelle bulle, ou bulle spéculative, une hausse rapide et excessive des prix d’un actif. Les investisseurs achètent cet actif dans l’espoir de le revendre plus tard à un prix encore plus élevé. Ces bulles sont nombreuses dans l’histoire moderne. On peut citer la bulle des crypto-monnaies et la bulle des logements aux Etats-Unis (les subprimes).

Ces entreprises ont reçu massivement des liquidités (de l’argent) pour financer leur besoin de développement et de croissance. Cet argent n’a pas tout le temps été dépensé à bon escient. Toute personne ayant bossé dans le milieux des startups saura de quoi je parle. L’un des problèmes est que nombre de ces entreprises n’avait pas de business model viable. Elles sont restées en activité plus longtemps qu’elles n’auraient normalement dû.

De nombreuses startups (et scale-ups) françaises ont donc licencié elles aussi massivement cette année. Ces jeunes pousses n’ont pas tout le temps l’habitude de communiquer sur leurs échecs. Vous pouvez néanmoins retrouver quelques noms dans cet article du Monde.

Certaines de ces entreprises, notamment aux Etats-Unis, sont côtées en bourse (Comprendre : au Nasdaq). Je pense ici notamment à Wework qui a annoncé être en potentiel défaut de paiements pendant l’été 2023. Sachez qu’une chute brutale des cours des actions est le signe d’une possible crise économique. D’ailleurs, je vous invite à lire l’excellent The Cult of We. Il décrit très bien l’ambiance dans les entreprises des nouvelles technologies.

L’un des problèmes dont peu de médias parlent actuellement concerne les personnes. L’État français a formé massivement dans le numérique ces dernières années. Il a, par exemple, créé le label Grande École du Numérique et a ainsi proposé de nombreuses formations pour des individus souhaitant se reconvertir.

Que va-t-on faire de toutes ces personnes nouvellement formées ?

Les commerces sont en train de fermer

Au début de cet article, je vous ai dit que la fermeture des commerces dans Paris a été pour moi un élément déclencheur qui m’a fait prendre conscience de la gravité de la situation. Actuellement nous avons assez peu de chiffres sur le nombre de faillites des entreprises pour l’année 2023. Selon la tribune, leur taux de faillite a augmenté de 35% au cours du deuxième trimestre 2023. Je pense que les chiffres du 3ème et du 4ème trimestres vont être inquiétants.

Au cours des discussions que j’ai pu avoir avec des commerçants ou amis tenant des commerces, il en ressort que beaucoup d’entre eux ont été fragilisés par le COVID (comprendre : leur trésorerie a pris un sacré coup). Entre 2022 et maintenant (septembre 2023), nombreux sont ceux qui ont vu leurs charges augmenter. On parle ici du loyer mais aussi de l’électricité, du prix des matières premières, ou encore de la taxe foncière, etc.

Parallèlement, de nombreux ménages, principalement des familles, sont partis de Paris. Un ami qui tient une cantine et épicerie bio dans le 19ème m’a informé que cela avait entraîné une chute de près de 50% de son chiffre d’affaires. Les commerces ont donc subi une hausse de leur dépense (avec une trésorerie fragile) et une baisse de leur revenu. Si vous vivez à Paris ou dans une grande ville, je vous invite à regarder plus attentivement les commerces. Vous verrez de nombreuses devantures fermées et de rideaux baissés.

L’un des impacts de ces fermetures de commerce concerne les commerçants eux-mêmes. Ces derniers ont souvent pris un crédit à la banque pour financer l’achat de leur fond de commerce. En cas de faillite, ils revendaient leur fonds de commerce et pouvaient ainsi rembourser l’argent qu’ils devaient à la banque. Cela leur permettait d’échapper à des situations d’endettement personnelles.

Le problème actuellement est que les commerces ferment en grand nombre, sans rachat par la suite. Cela se traduit par une diminution de la valeur des fonds de commerce. Cela signifie que bon nombre de commerçants vont se retrouver dans des situations d’endettement, voire de faillite personnelle, auprès des banques.

Le marché de l’immobilier (sur Paris) s’effondre

Vous connaissez peut-être le proverbe “quand le bâtiment va, tout va”. Le fait est qu’aujourd’hui la vente et la construction de bâtiments subissent un sérieux coup de frein.

En effet, il y a quelques jours, Le Monde faisait état d’une baisse significative des prix de l’immobilier à Paris. Le fait est que cette tendance était perceptible depuis un certain temps. Selon les données, ce sont majoritairement les appartements de taille moyenne, de 35 à 80 m², qui font l’objet de cette baisse. Ces appartements sont souvent occupés par des familles ou des couples, une démographie qui semble s’éloigner de plus en plus de la capitale.

Divers facteurs entrent en ligne de compte. Outre les effets palpables du changement climatique rendant certains étés insoutenables, l’évolution du mode de travail vers le télétravail et l’attrait croissant pour une vie plus rurale pourraient également jouer un rôle. De plus, la montée des coûts de la vie dans les grandes villes incite de nombreux ménages à reconsidérer leur choix de résidence.

Cependant, malgré ces signaux, certains médias et institutions financières encouragent encore les investissements dans la pierre parisienne. Mon beau-frère, par exemple, est actuellement en train d’acheter un appartement à Saint-Ouen, persuadé par une agence immobilière de la rentabilité future de cet investissement. Ces décisions, basées sur des prévisions optimistes, pourraient être risquées dans le contexte économique actuel. En effet, une baisse continue de la valeur immobilière peut entraîner des répercussions sur les banques et le secteur financier, surtout si de nombreux ménages ne parviennent plus à rembourser leurs prêts. C’est une situation qui est aussi présente aux Etats-Unis. Mon conseil ici, c’est : surtout n’achetez pas ! Vous risquez de vous mettre dans une situation financière complexe.

La hausse généralisée des prix

Depuis de nombreux mois, nous subissons une inflation des prix records. Cette inflation nous pousse à changer nos modes de consommation. Nous achetons moins. Cela dit, ça ne veut pas dire que nous consommons mieux. Je lisais dernièrement que la vente de fruits et légumes bios était en recul dans les supermarchés.

Le taux d’inflation par an
Le taux d’inflation par an — source : insee.fr

Cette hausse généralisée des prix a de nombreux impacts sur notre société. Elle fragilise les ménages et les entreprises les plus précaires. Elle augmente le nombre de personnes fouillant dans les poubelles et plus globalement les inégalités sociales. Sur le graphique ci-dessus, vous pouvez voir que même durant la crise des subprimes, l’inflation n’était pas aussi élevée.

Cette inflation record a de nombreuses causes : les perturbations de chaîne d’approvisionnement dûes au COVID, la guerre en Ukraine et les phénomènes météorologiques dû à l’effondrement du climat. Je pourrais rédiger un article complet sur l’inflation tant c’est un sujet à la fois intéressant et complexe. L’idée ici est que j’aille à l’essentiel.

L’effondrement du climat

L’effondrement climatique correspond aux bouleversements profonds et le plus souvent irréversibles que subit notre planète. Parmi les principales causes, on compte les émissions massives de gaz à effet de serre, la pollution, l’urbanisation (souvenez-vous de la partie sur la crise du bâtiment !) et la déforestation. Ces perturbations connaissent une accélération inquiétante.

Ce qui me préoccupe le plus est la possible interconnexion entre cet effondrement climatique et la prochaine crise économique. Historiquement, bien que les crises économiques aient pu être influencées par des facteurs environnementaux, jamais elles n’ont été autant à la merci d’un climat déréglé comme c’est le cas aujourd’hui. Il est troublant de penser que nous pourrions être aux prémices de la dernière grande crise économique, exacerbée par des bouleversements climatiques sans précédent.

Quelqu’un méditant, pixel art
Quelqu’un méditant — source : DALL-E

Il est urgent de ralentir

Qu’il est difficile de ne pas être effrayé et inquiet par tous ces signes annonciateurs d’une crise économique majeure. Pourtant, je ne la vois pas comme une fatalité mais comme une opportunité de nous élever, de grandir.

Il est urgent de ralentir. Non pas par résignation, mais par choix. C’est personnellement ce que j’ai décidé de faire depuis 2023. Je consomme moins, je retrouve du sens dans ce que je fais, je médite, je vois mes proches. Ralentir nous offre une occasion de renouer avec nous-mêmes et avec les autres. Ralentir, c’est aussi diminuer sa consommation de smartphone pour prendre plus le temps de regarder ce qui nous entoure.

La méditation et la pleine conscience jouent un rôle crucial dans cette démarche. Elles nous enseignent à être présents et plus à l’écoute. Pour ceux qui souhaitent explorer ces pistes, je recommande vivement l’abécédaire de la sagesse, le pouvoir du moment présent et les quatre accords toltèques. (Je reconnais que ces liens mènent à Amazon, mais sachez que vous pouvez vous procurer ces livres où bon vous semble).

Finalement, c’est en changeant notre regard sur notre monde, en cultivant la bienveillance envers nous-mêmes et envers les autres, que nous pourrons ensemble bâtir un futur plus harmonieux et durable.

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